Beaute 3

La Beauté est la plus efficace des créations de l´Univers.

Je ne sais plus ni où ni quand deux personnes s´interrogeaient devant moi sur la nature et le  pourquoi de la beauté. Préoccupation remarquable quand le plus grand nombre considère qu´il y a juste à en profiter quand il la croise et qu’il reste un peu de temps à lui consacrer. Le monde met à notre disposition une beauté parfaitement infinie qui semble pour l´essentiel nous échapper. Nous pédalons tête baissée dans un paysage grandiose qui attend patiemment que nous nous rendions compte de sa présence.

Restons reconnaissant de sa patience et revenons aux interrogations de nos invités surprise en nous demandant par la même occasion pourquoi nous ne cherchons pas à profiter plus systématiquement de tels moments de bonheur ?

Au travail !


Si nous sommes si penchés sur notre guidon, c´est que l´ascension est difficile. Nous ne pédalons pas vraiment en plaine. Certaines étapes de notre vie ressemblent à un enchainement de cols derrière lesquels nous attendons une vallée de réconforts mérités, régulièrement escamotée par une nouvelle montée aux proportions décourageantes... Et ces ascensions sont d´autant plus amères que leur utilité ne saute pas toujours aux yeux.

Pourtant le parcours n´est pas imposé. Nous sommes libres d´en choisir le tracé pour orienter nos efforts dans le sens de notre évolution. Mais sans ce discernement, la peur de manquer d´énergie à grimper tout et n´importe quoi nous rend aveugle et peu disposés à nous disperser dans ce qui ressemble à des futilités. Focalisés sur nos peurs, nos combats, sans oublier bien sûr de les vivre en mode compétition, l´étape devient d´autant plus dure que privée de son réconfortant décor.

Pour commencer à voir la beauté du paysage, il vaut mieux arrêter de pédaler comme un forcené pour trouver son rythme et lever la tête du guidon. En se donnant la peine de tracer le meilleur des itinéraires, nous pourrons progresser en profitant du panorama d´exception.

Pour approcher la nature et le pourquoi de la beauté une simple recherche d´images sur la requête donne un aperçu significatif de notre conscience sur le sujet.

D´abord vont s´afficher quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix pour cent de visages et de corps de femmes. La tentation est forte d´allumer gyrophares et sirènes. Ces représentations de la beauté utilisent les normes réductrices du moment que le consensus social permet d´exploiter à des fins essentiellement commerciales. Ce simulacre de beauté se révèle donc assez stérile à faire naître l’émotion.

Cette façade méthodiquement élaborée par le monde des médias et alimentée par nos phantasmes explique sa présence en pole position.

Ensuite sont proposés œuvres, décorations ou design, soumis eux aussi aux conventions du moment. Faire naitre l´émotion d´un objet inanimé est difficile. Le génie des grands créateurs est d´y arriver en profitant de la pérennité du support pour lui faire traverser le temps. La Pieta de Michel-ange à Saint Pierre de Rome en est un exemple. Après une visite somme toute assez terrifiante, écrasés par les postures de statues de 5 à 6 mètres tentant de nous rappeler notre insignifiance, Le choc de l´émotion dégagée par cet objet de pierre discrètement logé dans son alcôve à la sortie de la basilique se grave dans la mémoire.

L´attention portée par l´ego humain à ses créations justifie leur arrivée en seconde place.

En queue de peloton nous découvrons quelques rares photos de nature. Pourquoi lui porter attention ? Elle a été et sera toujours là, se permettant de ne même pas avoir besoin de nous. Et pourtant ! Qui ou quoi peut faire naitre en nous une telle sensation de paix et d´harmonie, une émotion d´une telle puissance ? Levez la tête quelques secondes pour vous brancher sur le premier bout de nature devant vos yeux, la petite fleur, là, sur votre droite, et vous aurez la réponse : rien ni personne.

Nous préférons pourtant centrer notre attention sur nos créations. Notre extraordinaire talent ne nous pousse pas à l´humilité face à l´absolue perfection de la nature. Lorsque les moteurs de recherche afficheront, pour le moins, autant d´images de fleurs, paysages, animaux, couchers de soleil que de créations de l´homme, nous aurons fait un pas vers plus de conscience de notre place dans l´univers.

En attendant, notre difficulté à nous intéresser à autre chose que NOUS explique la dernière place de la nature sur le podium.

Qu´elle vienne d´une personne, d´une œuvre ou d´un paysage, le seul critère pouvant définir la beauté est sa capacité à faire naitre l´émotion. Faire un tri sélectif de toute considération commercialo-égotique (je sais, ce n´est pas dans le dictionnaire) est donc facile dans la mesure où nous avons l´humilité de laisser nos sentiments montrer le chemin.

Nous sommes des êtres uniques, qui avons des émotions uniques, qui révèleront à chacun des beautés uniques. Pas de risque d´embouteillage sauf devant des œuvres de dimensions universelles. Mais là est la magie et l´équilibre parfait de notre monde qui met à notre disposition ses beautés de façon illimitée et gratuite. Il ne nous reste qu´à être attentifs à l´usage des files d´attente devant les œuvres humaines qui font la démonstration de notre capacité à l´approcher. Nous pouvons bien sûr remplir des caisses et nourrir notre ego. Mais n´oublions pas de rester humbles, même à Saint Pierre de Rome, même devant la Pieta.

Levons la tête du guidon et ouvrons notre cœur pour regarder au-delà de nos phantasmes, des conventions sociales et de toutes les mauvaises nourritures. La véritable beauté se trouve plus loin que les apparences, dans une extase d´authenticité et d´harmonie qui nait du parfait équilibre entre ce que nous percevons de l´extérieur et ce que nous en ressentons. Là est son véritable but. Être la plus accessible des antichambres à l´universel...

... Et en cela, sa plus efficace création.

 

  Elles ne vivent que 24 heures...

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